Portrait de chercheur.e : Emmanuelle Taugourdeau, directrice adjointe du CREST


 

Bonjour Emmanuelle, pouvez-vous commencer par vous présenter ?

Bonjour, Emmanuelle Taugourdeau, j’ai 50 ans cette année, je suis née à Angers, je suis mariée et mère de trois enfants.

Quel a été votre parcours, d’où venez-vous ?

Je suis un pur produit universitaire. J’ai fait une licence et maitrise à l’Université d’Angers et mon DEA (Diplôme d’Études Approfondies) en macroéconomie à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. J’ai obtenu une bourse de thèse que j’ai soutenu en 2000.

J’ai ensuite été recrutée au CNRS. Mon premier poste était à Caen, puis je suis revenue en région parisienne et ai passé plus de 10 ans à l’École normale supérieure Cachan (ENS Cachan devenue ENS Paris-Saclay). Je suis arrivée chercheur au CREST en 2017.

Que vouliez-vous faire comme métier étant petite ?

Je voulais être infirmière… J’insiste du le “E”.

Quand avez-vous su que votre carrière se dirigeait vers la recherche ?

J’ai été assez rapidement attirée par la recherche. Mon père étant enseignant-chercheur en droit, j’ai su très rapidement ce que cela signifiait. En licence, j’ai choisi une option que très peu d’étudiants choisissaient mais qui destinait déjà a une possible carrière académique et pas uniquement à un parcours professionnel.

Pourquoi avoir choisi l’économie ?

J’ai fait un Bac C (Mathématiques et Sciences Physiques) et j’aimais beaucoup les mathématiques, mais je voulais que celles-ci me soient utiles à quelque chose. Naturellement, j’ai choisi l’économie.

Vous êtes la première chercheuse nommée à un poste de codirection, quel est le rôle des femmes au sein de la recherche scientifique ? Et au sein du CREST ?

Le rôle des femmes au sein de la recherche scientifique est identique à celui des hommes : stimuler la connaissance et diffuser les résultats de ses recherches pour que d’autres recherches innovantes soient produites par la suite. Les différences sont davantage prégnantes concernant la progression de carrière (la maternité y est pour beaucoup) et les tâches administratives que je qualifierai de “subalternes” (qui sont indispensables mais peu valorisantes) beaucoup plus souvent prises en charge par les femmes que par les hommes.

En tant que femme, cela a-t-il été plus compliqué pour en arriver là où vous êtes aujourd’hui ?

Sûrement, même si je dois admettre que je ne l’ai pas vraiment ressenti comme cela. Je suis néanmoins assez lasse de siéger dans des comités et conseils au prétexte que le quota de femmes doit être respecté. Cela est très coûteux en temps, repose toujours sur les mêmes femmes (puisque peu nombreuses) et nous empêche de consacrer un temps précieux à la recherche.

Quelles sont les richesses du CREST ?

Le CREST est un laboratoire pluridisciplinaire, dynamique, avec une proportion très importante de “middle age” qui n’hésite pas à assumer une partie des tâches inhérentes à un laboratoire. Ils font du CREST un laboratoire vivant. Les décisions sont prises majoritairement de façon collégiale et la voix de toutes et tous est importante.

Le CREST est également un laboratoire international où des collègues de plusieurs nationalités se côtoient. C’est également une “mine à doctorants”. Les doctorants constituent un pilier pour le laboratoire, par leur jeunesse, leur enthousiasme, leur dynamisme et leur appréhension de l’environnement dans lequel ils évoluent.

Enfin, le CREST est un lieu porteur pour les chercheurs avec une vraie dynamique scientifique : des séminaires quasi tous les jours, des projets structurants et invités venant d’horizons différents et notamment de prestigieuses universités internationales.

Le travail d’équipe est-il important au CREST ?

Il l’est ! Tant du point de vue de la recherche que de la vie de laboratoire. Un laboratoire est une équipe, il doit fonctionner dans cet esprit-là !

Au CREST, existe-il un partage des recherches entre les différents pôles scientifiques, finance, sociologie, statistiques et économie ?

Ce partage entre les différents pôles existe, mais sûrement trop peu, par manque de temps principalement. En réponse à cela, les doctorants ont décidé d’organiser des évènements transversaux pour connaître davantage les recherches effectuées dans les différents pôles. Ce sont des initiatives à soutenir bien entendu.

Quels sont vos projets à venir / vos souhaits pour le CREST ?

Le CREST, depuis la réunion des laboratoires d’Économie du GENES et de l’École polytechnique ne cesse d’évoluer. La dynamique est très positive. Nous avons de nouveaux collègues qui arrivent d’horizons différents, nous plaçons nos étudiants en thèse dans d’excellentes universités françaises et internationales, nos doctorants sont très actifs et très brillants, nos collègues sont majoritairement très engagés dans une dynamique porteuse pour le CREST. Je souhaite que cette dynamique perdure et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce soit le cas. Je souhaite également que l’ambiance de travail y soit la meilleure possible pour que l’équipe administrative puisse venir y travailler avec plaisir.

Côté projets, nous travaillons à la construction d’un nouveau centre interdisciplinaire en politiques publiques auquel nous souhaitons associer un maximum de membres du CREST. Pour développer notre visibilité, nous allons renforcer notre communication et souhaitons améliorer l’intégration de nos collègues internationaux.

Enfin et pour finir cet entretien, une petite question économie en lien avec la société actuelle. Comment, selon vous, la taxation peut-elle répondre à l’urgence climatique ?

La question est délicate car ce n’est pas parce qu’une taxe est mise en place à des fins légitimes (répondre à l’urgence climatique par exemple), qu’elle est acceptée. La mise en place de la taxe carbone en France est une bonne illustration de cette difficulté. Sa hausse initialement programmée a été freinée par le mouvement de gilets jaunes. Son efficacité est de fait encore limitée en France. D’autres instruments comme les quotas (quotas d’émission) et subventions (voitures électriques par exemple) sont mieux accueillis : il est plus acceptable pour les ménages d’être aidés pour changer leur chaudière ou leur véhicule que de payer le litre d’essence 3 euros en raison des taxes environnementales. En revanche, une subvention doit être financée elle aussi, souvent par un autre impôt.